Le marché européen de l’automobile assiste à une mutation profonde, caractérisée par l’ascension fulgurante des constructeurs extra-européens. Au cœur de cette dynamique, l’alliance stratégique entre Stellantis et le spécialiste chinois de l’électrique, Leapmotor, prend une dimension concrète avec le lancement en France du B10, un SUV compact 100% électrique. Lors d’un voyage de presse organisé par Stellantis Maroc avons a pris le volant de ce nouveau modèle familial en région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour décrypter ses atouts et ses compromis.
Contexte Stratégique : La Réponse Sino-Européenne à la Concurrence
L’introduction du Leapmotor B10 intervient dans un climat d’inquiétude pour l’industrie européenne, un récent rapport sénatorial pointant du doigt la « concurrence par des acteurs extra-européens » comme facteur de « crash » potentiel pour le secteur. Face à ces défis, Stellantis a investi 1,5 milliard d’euros dans Leapmotor.
Cet appui financier et logistique permet à la marque chinoise d’accélérer son déploiement en Europe et au Maroc (le mois dernier), comme en témoigne l’ouverture de nombreuses concessions en France depuis septembre 2024 et plus précisément dans la région de Provence (Marseille, Nice, Avignon, etc.) où nous étions convié à ces essais presse internationaux. C’est d’ailleurs à Nice que le B10 a été officiellement dévoilé.
Design et Habitabilité : Compromis Espace vs. Volume
Long de 4,52 mètres, le B10 s’inscrit dans le segment très concurrentiel des SUV compacts. Grâce à un empattement généreux de 2,7 mètres, l’habitacle offre une habitabilité remarquable pour les passagers arrière. Ce gain d’espace se fait toutefois au détriment du coffre, dont le volume s’établit à 430 litres. Un chiffre en retrait par rapport à ses rivaux directs, tels que le Peugeot e-3008 (520 L) ou le Skoda Elroq (470 L).
Impressions de Conduite : Confort et Maniabilité Nuancée
Notre essai dans l’arrière-pays niçois a permis d’évaluer le comportement du B10. L’accès à bord, via des poignées escamotables discutables en ergonomie, précède une mise en route discrète via une carte NFC. Le C10 partage avec de nombreux rivaux, dont le Tesla Model Y, une ambiance intérieure épurée, voire clinique. Il offre cependant un contraste appréciable grâce à une sellerie plus moelleuse. Si la position de conduite légèrement dominante se trouve aisément, l’utilisateur devra s’habituer à une ergonomie presque entièrement numérique. Seules les commandes essentielles clignotants, essuie-glaces et sélecteur de vitesse ont été conservées hors de l’écran tactile de 14,6 pouces.
En environnement urbain, le B10 se distingue par une maniabilité certaine et un confort de suspension efficace qui filtre les aspérités de la route.
Sur les routes secondaires, la direction un peu molle à haute vitesse, nécessite une correction via le système d’infodivertissement (accessible par l’écran tactile de 14,6 pouces) pour offrir un ressenti plus engageant. Malgré cela, les 218 chevaux et un centre de gravité bas assurent une stabilité rassurante en courbe. Malgré l’omniprésence du plastique à l’intérieur qui offre néanmoins une bonne qualité perçue, le SUV de 1,8 tonne a démontré une bonne stabilité en virage, notamment grâce à son centre de gravité bien calibré. On remarque aussi la présence persistante de certaines alertes sonores et quelques bugs sur la navigation. Il est facile de désactiver les aides à la conduite jugées trop intrusives grâce à un menu dédié sur l’écran central.
L’insonorisation soignée garantit des voyages autoroutiers particulièrement silencieux, où seuls de légers bruits de roulement se font entendre. Le moteur arrière de 218 ch offre des relances suffisantes, sans pour autant être fulgurantes.
L’Efficience Choc : Prix et Autonomie
Là où le B10 frappe le plus fort, c’est sur son bilan énergétique et son positionnement tarifaire. Notre essai a révélé une sobriété exceptionnelle, avec une consommation de seulement 13,2 kWh/100 km. Ce rendement permet d’envisager une autonomie réelle approchant les 500 km avec sa batterie de 67,1 kWh, surpassant le chiffre de 17,3 kW/h/100 km WLTP fournis pas le constructeur. Côté recharge, le B10 passe de 30% à 80% en seulement 20 minutes sur borne rapide.
L’argument massue reste son prix de lancement, débutant à 29 900 euros. Ce tarif, presque imbattable pour un SUV familial de cette taille, est la véritable clé pour séduire l’automobiliste en phase de transition de mobilité écologique.
Sur le marché Marocain le B10 sera d’abord commercialisé au premier semestre 2026 avec la chaîne de traction REEV (Range Extended Electric Vehicul) qui correspondra mieux à la demande des acheteurs Marocains.
Le Dilemme du « Made in China » et la Réponse Industrielle
Si le Leapmotor B10 est un concurrent redoutable sur le plan technique et tarifaire, son origine chinoise alimente le débat sur la relocalisation. Les préconisations sénatoriales, visant l’instauration de droits de douane ou l’exigence d’un fort contenu local, posent un défi direct.
Cependant, la décision d’implanter la production du B10 en Espagne dès 2026 est une manœuvre stratégique majeure de Stellantis pour contourner ces obstacles. Une délocalisation qui, si elle ne sauve pas l’emploi direct en France, prouve la détermination du groupe à intégrer ce modèle ultra-compétitif dans sa stratégie européenne.